Robert à l'Opéra Tai Pei.
© Eastern Heroes.
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Robert
Tai, aussi surnommé Gangly, est né
à Taiwan en 1953. Son père, militaire
gradé, et sa mère envoyèrent
leur jeune fils freluquet à l’opéra
Fu Shing à Taipei où il commença
déjà à cultiver son talent
pour les chorégraphies avec ses camarades
de l'époque, Lee Yi Min, Chang Yi, James
Tien, Charlie Chin, Chiang Sheng, Angela Mao, Judy
Lee, Chin Lung et Pang Gang, pour n’en citer que
quelques uns. Très vite, ils y font le mur pour rôder autour des tournages histoire de se faire de l'argent en plus des représentations officielless.
Il travaillera bientôt avec les 2 plus grands
noms de l'industrie du film HongKongais de l'époque.
Observateur du grand Liu Chia Liang sur The Ming
Patriots, il débute véritablement
sa carrière comme cascadeur dans 7 man army
remarqué pour avoir exécuté un saut dangereux puis dans Shaolin Temple sur lequel Chang Cheh sélectionna
des cascadeurs taiwanais talentueux dont la future
troupe des Venoms. Apprécié
par Chang Cheh dès ce film, il se révèlera
bientôt le parfait suppléant de Liu
Chia Liang et Tong Gaai, qui vont eux opérer
une scission avec Chang Cheh pour cause de divergence
de points de vue. Ces deux légendaires chorégraphes
de la Shaw souhaitaient faire leurs propres films
avec leurs propres thématiques martiales
très éloignées de la violence
excessive dont raffole Chang Cheh. Robert Tai est
de son côté un très grand fervent
de la violence graphique des combats nerveux, ce qui
lui permet de convaincre aisément l'ogre.
Tai devient assistant chorégraphe sur
Chinatown kid, premier film qui réunit les
Venoms, puis pour la première fois chorégraphe
attitré sur Brave Archer. Rapidement à
son aise dans le moule des studios Shaw Brothers
en cette période faste en kung fu pian, il
acquiert bien vite une reconnaissance auprès
de Chang Cheh pour son originalité, sa fraîcheur
et sa grande imagination à inventer des combats
techniques et originaux, en des temps records qui plus est. Suite à
Chinatown Kid, il obtient le salaire le plus élevé
de l'époque (400 000 dollars Hong Kongais)
en tant que chorégraphe sur Four hands of
death, place qu'il quitte rapidement à cause
d'une mésentente avec le réalisateur
Lo Wei qui voulait faire de Jimmy Lee, interprète
principal, une star de la trempe de Jackie Chan....
Dans Brave Archer 2.
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Lorsque
l'ogre entâme son cycle "shaolin Venoms",
Robert Tai, habitué à travailler rapidement,
met en place tous les combats de ces films tels
que Invincible Shaolin, les 2 premiers Brave Archer,
Crippled Avengers, Kid with the olden arm, The Daredevils,
etc, en commençant par le classique des
classiques Five deadly Venoms. Une certaine rivalité
se forme à cette période entre Liu
Chia Liang et Gangly, une sorte de petite guéguerre
pour décider qui des deux sortira le plus
gros succès martial produit par la Shaw (cf interview). Cette expérience
lui permettra d'apprendre le métier et la
réalisation et l'aidera beaucoup à faire sa transition.
Dans
Incredible Kung Fu Mission.
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Il
quitte les studios Shaw Brothers en 1979, sentant
peut-être la pente descendante qu'entâme
le grand studio, et suite à des différences
de point de vue avec Mona Fong notamment, plus attiré
vers l’indépendant, et ce à la même
période où ses proches amis les Venoms
quittent à leur tour la Shaw pour revenir
à leurs origines, Taiwan. Son mauvais caractère avéré lui ont déjà valu une réputation peu flateuse. La principale raison
de ce départ reste la somme rondelette qu'on
lui propose à ce moment pour chorégraphier
Incredible kung fu mission et Thundering mantis.
Comme
beaucoup de chorégraphes, Robert Tai a joué lui-même dans plusieurs films tels
que Master of the flying guillotine, Chinatown kid,
The Cavalier, Challenge of the Lady Ninja, Secret Rivals 3, etc. Son rôle le plus important,
excepté ceux de ses propres films à
venir, est sans conteste celui de The incredible
Kung-fu mission où il joue le très
méchant empereur Lu Ping, un maigrelet blond
platine avec du rouge à lèvre et une
grande cape de soie, le tout bardé de couleurs
typiques de Superman, un grand moment et un style
de combat là aussi unique avec sa technique
dite du "doigt caché sous sa cape qui
s'en va se planter dans le thorax adverse ".
Grâce
à l'argent empoché sur Incredible
Kung Fu Mission et Thundering Mantis et à
ses nombreuses connaissances, Robert a enfin les
moyens de réaliser son premier film en 1980, Devil Killer. Kung Fu de
seconde voir troisième zone loin d'être
brillant. Ce premier essai reste très intéressant
dans le parcours du réalisateur et nettement
à contre courant des kung fus comédies
de l'époque avec Jackie Chan qui domine le
marché. Devil killer est ouvertement très
noir, violent, voir même sadique, ***spoiler***
et demeure un des seuls kung
fus où les deux héros principaux meurent
au milieu du film ***spoiler***.
C'est sur ce film que Robert fait jouer pour la
première fois à son compte Alexander
Lou qui deviendra son disciple et son héros presque exclusif, un ami proche et un compagnon de travail.
Dans
Guards of Shaolin.
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Son
second film est aussi le plus important au niveau personnel. Shaolin vs ninja (1980), titre concept à lui tout seul est le grand projet du réalisateur en partie influencé par les films avec le fameux Sho Kosugi comme "Enter the ninja" (1979) . Robert plonge à ce moment dans la culture ninja en découvre ces films ainsi que les livres japonais traitant cette culture. Son objectif sera dès lors de mélanger ses propres influences à ce qu'il connait des ninjas afin de créer son propre style ninja.
Il s'entoure de toute sa troupe martiale et de tous ses collaborateurs les plus proches, notamment Lam Tien Hung qui pose avec lui les bases du film. Kung fu shaolin réunissant chinois et japonais malgré eux, croisement côté scénario entre "Secret Rivals" et le "Shaolin contre Ninja" de Liu Chia Liang, premier film malade et total à la fois, servi par la crême des athlètes taiwanais et une sauce martiale extrêmement relevée. Film réputé, côté underground, au point d'en faire l'un des maillon primordial des combats câblés modernes, il n'existe malheureusement qu'en rip de vhs extrêmement recadré et décrépi comme en témoignent les morceaux tout simplement foutues et reflète bien tout le paradoxe Robert Tai. Le succès de Shaolin Vs Ninja est indéniable, du moins localement, au Japon notamment, mais est loin de celui escompté, en partie dû aux moyens de distribution taiwanais ridicules comparés à Hong Kong. Le film très violent est aussi à total contre courant de la vague de kung fu comédié qui sévit à HK avec Jackie Chan en tête de liste.
Tai entreprend donc son second film, une énorme farce, Shaolin
chastity kung-fu, qui traduit pourtant parfaitement ceux
qui suivront et son état d’esprit : l’éclate
avant tout ! Mais pas l'éclate comme l'entendent
les réalisateurs de kung fu comédies.
Robert reste un fervent défenseur des effets
gore cheaps et de la violence à outrance.
Chastity kung fu est beaucoup plus comique gras
que Devil Killer grâce aux enfants du film, mais n'oublie pas pour autant l'ultra
violence Chehenne.
Avec sa troupe unie et son fidèle disciple
Alexander Lou, ils créent ensuite une série
de films de ninjas de plus en plus à contre
courant, de plus en plus fous, et avec de moins
en moins de budget, parmi lesquels Mafia
vs ninja dont le succès engendrera tout de même une série télé locale qui ne fait qu'ajouter de nouvelles scènes au film histoire d'atteindre les 5 heures de métrage, Shaolin vs
ninja, Ninja vs shaolin guards co réalisé
avec William Cheung Kei, Shaolin Vs Lama qu'il supervise
largement avec Lee Tso Nam, et l’unique, indescriptible
et mirifique Ninja final
duel considéré par les amateurs
comme l’un des films de ninja les plus déjantés
si ce n’est le plus culte. Dès Mafia Vs Ninja,
Robert s'entoure d'acteurs occidentaux, des gweilos
comme on les appelle, qui garniront sa troupe de
combattants attitrés et permettront de nouvelles
audaces. Parmi eux, l'ancien DJ californien Eugène
Thomas, le Sud Américain Silvio Azzolini, le britannique Toby Russell ou encore
l'américain John Ladalski.
En 1988, Robert tente une expatriation aux USA,
bien avant la grande mode actuelle. Percevant une
source d'argent possible, il accouche d'un film
très mitigé Blood fight 2 aka The
death cage avec Robin Shou, qui se rapproche plus
d'un film de "karaté" typique américain
tel Karaté Kid et ne porte que trop
peu sa marque de fabrique.
Tai
revient trois ultimes fois à la réalisation
dans les années 90, en 1992 avec Legend of the Drunken Tiger, en 1996 avec Fists
of Legends 2 et en 1998 avec Trinity
Goes East. Trois très petits films dont les deux premiers
n'ont vu le jour que grâce à un amoureux
du personnage, son ami et plus grand fan, Toby
Russell, ancien collaborateur du légendaire
magazine Eastern Heroes et cofondateur
du label Eastern Heroes Video rebaptisé ensuite Vengeance Video, qui l'a convaincu
de revenir derrière la caméra et d'apparaître
quelques instants devant, espérant qu'il
puisse réitérer ses délires
d'antan. Malheureusement le résultat est
loin d'être à la hauteur des espérances.
Legend of the drunken Tiger semble totalement daté malgré son ambiance de kung fu d'époque appuyée. Fists of Legends 2 est assez anecdotique quant à Trinity goes East, hommage voulu aux films de ninjas
de Robert auquel participe une belle bande de gweilos
dont Roberto lopez, Steven Tartaglia, et
un bel athlète taiwanais inconnu qui prend
l'allure d'un fake Bruce Lee avec un brio physique
certain, il reste désespérément
amateur et dénué de la folie qui fit
sa grandeur.
Aujourd'hui,
il continue à produire avec sa femme et par
le biais de sa propre entreprise, des séries
télé par dizaines à Taiwan,
des drames à l'épée pour la
plupart, et le bon paquet d'argent que cela lui
rapporte a l'air de lui suffir amplement. En 2002,
il a été contacté par RZA du
Wu Tang Clan pour participer et superviser les chorégraphies
d'un film obscur dénommé Z Chronicles sorti confidentiellement en 2004. Autre grand fan
de Robert, RZA a notamment supervisé la BO des Kill Bill de Tarantino pour lesquels
il a été récompensé par un oscar.
Largement
tombé dans l’oubli et mésestimé,
Robert Tai n’en demeure pas moins un grand précurseur,
enthousiasme, généreux et doté
d’une imagination débordante dans la mise
en place des combats. Sa filmographie grave à
jamais une trace indélébile qu’il
m’est très agréable de remonter à la surface et son diamant bis brute, Ninja Final
Duel, bénéficie encore d'une
réputation culte qui le place sur les hautes
marches des films de ninja de la grande vague des
années 80. Sa suite sortie sous le titre Shaolin Dolemite peut
d'ailleurs tout aussi bien postuler au titre du
film de kung fu le plus déjanté de
tous les temps. Les informations concernant Robert
sont réellement minimes (plus maintenant
;) et même les grands fans de kung-fu bis
qui ont ri devant ses films ne savent pas toujours
qui se cache derrière la caméra.
Retenons simplement un talent certain pour les scénarios
inexistants en forme de copier coller d'un film
à l'autre, une autodérision très
poussée, un sens du dynamisme hors pair et
un déluge d’idées saugrenues pondus par un personnage complexe que je
tenterais de présenter avec le plus de détails possibles à travers ce site.
GALERIE
PHOTOS BACKSTAGE
sources : Eastern Heroes N°6
/ www.carly.clara.net
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