Nous
voilà en 1998, année où Robert Tai "feignasse" à
réaliser et coproduire avec sa femme des séries
wu xia bas de gamme pour la télé taiwanaise, ce
qui lui rapporte bien assez de fric pour ne pas
vouloir en faire plus, d’autant que son "génie"
est injustement et complètement tombé dans l’oubli,
hors mis chez les fans hardcore de kung fu de seconde
zone. C’est alors que son pote, Toby Russell again,
cofondateur de l’excellent label Vengeance Video,
le motive une nouvelle fois à revenir réaliser un
ultime film d’action kung fu, espérant à nouveau
la folie d’un Ninja Final Duel ou d’un Shaolin Dolemite.
Ensemble, ils vont tenter de faire un truc original
tant qu’à faire, un truc d’action qui pète un plomb,
ce serait bien, un truc qui reprend Trinida et l’inspecteur
Bambino tiens, mais version kung fu. Allez on y
va.
Inutile
de faire durer le suspense insoutenable, sous ses
airs alléchants de kung fu / ninja moderne fait
avec des anciens, le tout se voulant comique, ne
reste qu’un pauvre tout petit kung fu cheap et nanar
à tendance presque trop volontaire qui tire malheureusement
très fort vers le navet pur et simple, et ce malgré
tout le potentiel indéniable et le cœur à l’ouvrage
dispensé. La photo à tendance amateur dûe
au faible budget et la mise en scène trop
académique de Robert Tai sont les premiers
points qui surprennent comparés à ses anciennes folies. Niveau production, Tai décide de tourner au Vietnam, idée sur laquelle Toby Russell ici producteur n'est pas d'accord, préférant Taiwan aux conditions de tournage plus faciles. Mais difficile de faire changer Tai d'avis.
Trinity
goes East possède néanmoins pas mal de +
produit pour lui. Tout d’abord, la seconde scène
nous gratifie de Robert Tai lui-même qui reprend
son rôle chéri de maître shaolin. Clairement sur
le retour, le bon vieux Robert s’est bien empâté
mais on aura au moins le plaisir de le voir sourire
devant la caméra, fait extrêmement rare, voir unique.
Il est le gardien de son joli temple local de là-bas
très loin jusqu’au jour où un guerrier inconnu vient
le défier. Le superbe specimen se nomme Sky Dragon
et la production a trouvé là sa star, son Dragon
venu du ciel, et en ce qui me concerne l’un des
Fake Bruce Lee les plus mimétique et confusionnel
qui soit. Avec ses lunettes de soleil, ses tics
et ses tocs, ses miaulements, ses kicks réellement
monstreux, sa gestuelle, son mutisme effrayant,
son costard blanc ou son jogging Diadora (la marque
préférée des tataneurs HK), c’est bien simple, on
y croirait presque.
Problème,
il n’est que trop peu présent et laisse plutôt la
place à deux autres héros beaucoup moins classieux.
Deux héros gweilos débauchés pour l’occasion : Steve
Tartaglia, qui incarne un pastiche haut en coul….
misérable de Trinida alors que Roberto Lopez se
fait l’opulent inspecteur Bambino, référence directe
à la série des Piedone (Bigfoot) de Bud Spencer,
où il joue un inspecteur itinérant. Autant dire
que la référence ouverte à Terence Hill et Bud Spencer
va souffrir tout au long du film, et ce malgré les
efforts surhumains de Steve et Roberto pour jouer
leur personnage avec l’intensité digne d’élèves
de l’Actor studio.
Présentation
rapide de ses deux baroudeurs de la tatane : Steve
Tartaglia est un gweilo surtout connu pour avoir
jouer un méchant occidental sec et violent, avec
catogan en option, dans "Il était une fois en Chine".
Après une quinzaine d’apparitions de bad gweilo
stéréotypé dans les kung fus HK, il s’en sort plutôt
bien puisqu’on peut le retrouver notamment comme
chorégraphe sur la série "Buffy contre les Vampires"
(ouaaaa, oué, vachement bien). Quant à Roberto Lopez,
pratiquant martial plutôt reconnu, bourlingueur
de première, assistant chorégraphe aux States et
grand fan de Robert Tai, il accepte très vite le
rôle de Bambino, inspecteur ventripotent à la cool
pourvu comme il se doit de mimines proches de pelles
à tarte pour mammouth.
En
face puisqu’il faut bien un bad guy, on retrouve
Mister "Magic kick" John Liu, kicker ultra renommé
des 70’s et élève de Dorian Tan. Trinity goes East
est d’ailleurs à l’origine une idée de Toby Russell
visant à réunir à l’écran John Liu et Robert Tai
pour une sorte de kung fu ninja hommage à ces deux grands
de la fin des 70’s. Alors que Tai se la joue
très mollement sur le coup, John a la patate de
ses 20 ans, d'autant plus que pour une fois, il
joue le méchant qui veut s'emparer de la pierre
sacrée et jubile manifestement à grimacer et s'égosiller
à tout rompre. 70 ans passé, le gaillard est bourré
d'énergie et sait encore kicker à merveille.
Second
problème, par je ne sais quelle manigance
de production dénuée de honte, tous ses invités
de "prestige" vont se mettre à
courir après le cochon de Bambino, j'ai nommé
le Colonel. Le porcinet ayant malencontreusement
bouffer la pierre sacrée sera dès lors LA star principale
de Trinity goes East, Lui et surtout sa doublure,
le cochon mutant en latex peint à la bombe
rose, relégant même assez souvent nos
deux gweilos au second plan. Le meilleur exemple
en est une scène
interminable monstrueusement mal foutue où Trinida
poursuit le cochon, le vrai dans un hôtel pour récupérer
la pierre, avant de le secouer dans tous les sens,
le vrai, pour finir par plonger avec lui dans la
piscine, le faux. Scène plutôt pathétique, au mieux nanarde.
Il
y a bien des combats dans Trinity Goes East, mais
entre Steve qui fait le débile ce qui ne lui va
pas du tout, les gweilos du port qui font les débiles
aussi, Sky dragon qui fait son fier, très avare
en apparition, et finalement Roberto qui a clairement
besoin d'un régime et n'arrête pas de se lamenter
de l'état de santé alarmant de son cochon qui digère
décidément très mal le caillou, allant même jusqu'à
l'amener chez un vétérinaire, on ne peut pas dire
que ce soit la grande joie, plutôt le suprême navet.
Heureusement,
de petites choses viennent gratiner les longues
plages de dialogues où Bambino se morfond et Steve
fait le pitre. Notamment, une excellente petite
apparition d'une nouvelle catégorie de ninja, le ninja
businessman, qu'on ne voit pas longtemps mais
c'est du très lourd. Il porte la nouvelle collection
automne hiver K-Way camouflage et brasse de l'air
comme personne.
Il reste bien pas mal d'autres trucs
nazes comme le mini jouet hélicoptère clignotant
de Trinida où le duo de cuistots hollandais ou le
quatuor de fighteuses ramassées dans la rue d'à
côté, mais rien de vraiment entraînant clairement, et rien
de vraiment drôle non plus. Heureusement, le colonel
et sa doublure mutante malade comme un chien font
bonne présence. Mieux, avant le final Sky Dragon
(tiens te revoilà toi) Versus John Liu, on a quand
même droit à LA scène culte du film ! Le cochon
a finalement recraché sa pierre (ouf, quelle suspense
!) et Roberto pousse le landau de son chéri dans
la campagne avant de tomber nez à nez avec le service
ninja force de frappe, et là, hors mis la technique
molassonne de bâton du maître, il y a surtout l'attaque
du cochon pas content, hommage vibrant à Baby
Cart, et là c'est réellement... grand !
Au
final, Trinity goes East a beau être généreux en
conneries, il n'en demeure pas moins trop longuet,
interminable de blablas, en bref, plus proche du
navet que du sublime nanar. Je pourrais même dire
qu'avec ce film, Robert Tai touche sans problème
le fond. Heureusement il reste un je ne sais quoi
de Taien dans tout ça, qui fait vivre l'espoir d'une
nouvelle folie à sa mesure.