Après
son fleuron bien connu des amateurs nommé "Ninja
the Final Duel", tiré du remontage d'une
série de films chinois (13 heures au total, commercialisées
en une série de VHS d’1h30 chacune !), Robert Tai,
fier de son bébé (son meilleur film, selon lui) réalise,
toujours en 1986, une suite intelligemment titrée
"Ninja the Final Duel 2", réalisée à partir
d'un montage d'autres épisodes de la même série de
films. Mais aucun distributeur occidental ne semble
intéressé par la bête. Ce n'est qu'en 1999 que son
ami l'acteur-producteur-artiste martial Toby
Russell va manigancer une sortie DVD de la chose.
Mais pour ce faire, un mélange intéressant et hétéroclite
va avoir lieu. On fait appel à un vieux rabougri des
séries z américaines, Rudy Ray Moore, connu pour être
la vedette la plus ringarde de la "blaxploitation"
grâce à la série 70s des "Dolemite". Le
vieux Rudy, dans le rôle du "moine Shaolin Ru-Dee",
vient joyeusement cachetonner au milieu de ce foutoir
de ninjas et de shaolins, et le film se voit alors
rebaptisé "Shaolin Dolemite", en l'honneur
de son personnage habituel de sous-sous-Shaft . Pour
exploiter pleinement la chose, il faut aussi redoubler
le film. Une équipe US spécialement défoncée à la
bière et aux saucisses est longuement préparée à cet
effet.
Shaolin
dolemite est donc une partie intégrante de "Ninja,
the final duel" et porte de ce fait le même
aka autrement dit une tambouille plus ou moins faite
avec les chutes de pellicules. Du coup, on retrouve
pas mal des personnages de Final duel ainsi que beaucoup
de nouveaux mais l'unité de Dolemite est beaucoup
moins évidente pour ne pas dire aBISsale.
Là
où "Ninja the Final Duel" proposait déjà un
bon gros lot de baston furieusement nawak, "Shaolin
Dolemite" pousse le bouchon bien plus loin puisque
pas moins de 95 minutes des 110 au total ne sont que
de la baston ou de l'action à la mode Robert Tai, c'est-à-dire
absolument n'importe quoi, avec pourtant de bon gros
athlètes dont le fameux élève de Robert, le bestial
et réjouissant Alexander "Mr pouce sur le nez bis" Lou.
"Shaolin
Dolemite", c'est donc "Ninja the Final Duel"
avec deux fois plus de tout : deux fois plus de combattants
colorés, deux fois plus de câbles, deux fois plus de
mannequins en mousse, deux fois plus de techniques étonnantes,
deux fois plus de transpercements de thorax, deux fois
plus de coups de seins, deux fois plus de d'explosions,
bref, c'est "Ninja the Final Duel 2".
Inutile
de s'attarder sur le scénario, il n'y en a pas ou si
peu. Les ninjas ne sont pas contents et veulent réduire
à néant les trop gentils Shaolin. Vu qu'ils se sont
faits latter dans "Ninja the Final Duel" (qui
devait pourtant être "final"), ils vont faire
appel à un sorcier vaudou spécialiste en nombreuses
techniques obscures, dont la plus extrême se résume
à réincarner les esprits de guerriers morts au combat
dans des légumes, de les raser puis de les recouvrir
d'une épaisse couche d'or et d'argent, le tout par la
pensée, et finalement de les transformer en terrifiants
zombies cannibales, le tout renforcé par une cloche
sacrée du clan Wu Tang que le sorcier a dérobé et dont
il use à gorge déployée afin de faire saigner les oreilles
de la vingtaine de combattants qui sévit à l'écran.
De
l'autre côté, on retrouve Alexander Lou
en shaolin japonais, un poil moins présent cette
fois-ci, peut-être simplement parce qu'il y a
une tonne d'autres protagonistes à ses côtés.
Alors
que l'ancien DJ californien Eugène "Dennis Rodman look-alike"
Thomas, véritablement déchaîné (à l'inverse de « Ninja
the Final Duel », où il jouait un moine noir impassible)
commence à faire gicler les rires sarcastiques et le
sang sur le sol, sonnant le début d'un non-stop qui
va se révéler particulièrement épuisant, même pour le
plus endurci des acharnés de fights sans queue ni tête,
on découvre ou redécouvre, avec ou contre lui, une clique
féroce et disparate comprenant : Davy Crockett équipé
d'une épée en plastique (le tripesque Silvio Azzolini,
déjà vu en shaolin californien dans « Ninja the Final
Duel » et en croupier lanceur de couteaux dans « Mafia
Vs Ninja »), les frères Shabazz (John Ladalski et Toby
Russell lui-même), plus clairement shaolins baba
cool de L.A. Voilà pour les gweilos de 86, tous
les quatre bien connus des afficionados et tous membres
de "l'Action Film Club". Ajoutons le récurrent
chef japonais à la moustache IIIème Reich (Wong Kwo
Fai) affublé d'une voix de castrat pour faire bon ton,
l'indispensable Nain teigneux en short, le génial Alan
Lee, chef des ninjas qui lui aussi fait le concours
du ricanement le plus ultime, la ninja violette spécialiste
du coup de sein dans la figure, ninjas félins, chef
Wu Tang et ses élèves, magicienne guérisseuse candide,
zombies cannibales d'or et d'argent donc, troupe shaolin,
Maître blanc, maître shaolin dit "White Abbot"
(Robert Tai lui-même), shaolins japonais et j'en
passe, avec au milieu, par brefs instants, des inserts
d'un Rudy Ray Moore clairement d'équerre qui ne sort
que des "Bad Moth.. Fock..." admirant le spectacle de
scènes tournées plus de 10 ans auparavant, accompagné
par un de ses anciens acolytes, Jimmy Linch, un Black
ventripotent sur le retour qui nous fait une démo de
drunken style bluffante de réalisme.
Entre
les explosions, les possessions, les mannequins en surnombre,
les câbles qui les font voler, eux mais aussi les autres
et même un bout de tissu ou une taie d'oreiller, les
techniques ninjas reprises de « Ninja the Final Duel
» (les ninjas cachés sous terre qui se déplacent à grande
vitesse avec leur pelles de l'armée américaine, etc.),
une présentation proprement indescriptible de la ninja
violette, les hypnoses kaléidoscopiques, les insultes
de l'équipe de doublage qui s'en donne à coeur joie,
le montage incompréhensible de Robert Tai, les acteurs
ultra-caricaturaux, la bande son typiquement pompée
actioner US, et finalement le rythme, je le répète,
proche du non-stop intégral, effréné, voire véritablement
éprouvant, Shaolin dolemite se place au summum du menfoutisme
à la Robert Tai et on comprend mieux qu'il n'ait
pas sorti la chose avant.
Le
doublage américain est l'un des sommets du "par
dessus la jambe", même pour un film le plus
profond soit-il. L'équipe est en vacances mais
ça reste plutôt drôle puisque les
dialogues deviennent d'une vulgarité extrême
en particulier Eugène Thomas, Voodoo New Yorkais,
qui se la joue gros frimeur contre les Shabazz de L.A.Des
"West side kicks your ass !" ou des "bitch
!", "ass !" et autres "motherfoker
!" affluent par camions de 20 à la minute.
Le
film est peut-être plus déjanté
encore, oui, mais la substance même s'essouffle
et on a du mal à accrocher jusqu'au bout vu que
c'est quand même 104 minutes non stop de combats
débiles et qu'ils sont moins réussis et
accrocheurs que dans le seul et unique Final Duel...
et c'est un fan qui vous le dit. Non, vraiment, y a
des limites Robert, cette fois, c'est trop le boxon
total ! Un fourre-tout indescriptible de combats sans
fin typique du style Robert
Tai. Pour dire, même habitué, cela en devient
indigeste tant ça ne s'arrête jamais. Mais
il reste indéniablement un objet cultissime,
une curiosité avec sa myriade de scènes
à la rue, sa folie incessante, ses ninjas, ses
shaolins, ses voodoos et ses wu tang tous câblés
à l'arrache et pourtant tous véritables
techniciens martiaux, une marmite bien pleine beaucoup
moins cohérente et relevée que Ninja Final
Duel mais tellement plus cinglée encore, et toujours
extrêmement pris au sérieux dans son ambiance.
Maintes visions ne l'altère pas d'un iota, au
contraire, il en devient de plus en plus inimitable
et inimité. Bref, si vous pensez avoir tout vu,
détrompez-vous, Robert Tai peut encore vous étonner. |