ROBERT TAI
aka Gangly / Tai Che / Tai Chi / Tai Chi Hsien / Tai Cher / Tai Yee Tin


BIOGRAPHIE

INTERVIEWS


INTERVIEW #1

Voici un entretien avec Robert Tai mené par son ami et chroniqueur britannique Toby Russell et paru dans le célèbre magazine "Eastern heroes" N°6". Il nous parle de lui mais aussi de la Shaw, du parrain des films de kung fu Chang Cheh, de Mona Fong, des Venoms, et même de Angela Mao, de Jackie Chan et de Liu chia Liang, lors d'une anecdote qui tient de la grande gouaille de Robert ou d'une vérité, à vous de juger.

Article originale de Toby Russell paru dans Eastern Heroes N°6

Original interview by Toby Russell published in Eastern Heroes N°6


Toby Russell :

Robert Tai, plus connu sous le nom de Gangly, est sans aucun doute l’un des réalisateurs les plus fous, vraiment originaux et visuellement brillants de toute la planète. Sa filmographie est sans nul autre pareil et son influence sur le genre du kung fu a été gargantuesque et le mot est faible.
Né à Taiwan en 1953, son père, militaire gradé, et sa mère, la vraie matrone des Venoms, envoyèrent leur jeune fils freluquet à l’opéra Fu Shing à Taipei. A cette époque, cette école était bien différente de sa richesse actuelle ; à la place du luxe, des cagibis en bois pour dortoir et une simple cours en béton faisait l’affaire.

Robert Tai :
"Nous nous levions à 4h30 pour pratiquer les exercices de chant, le maître nous attachait ensemble avec une corde et nous conduisait en haut des collines où nous chantions en cœur dans la nuit noire. Nous nous amusions souvent à effrayer Angela Mao et Judy Lee en leur racontant des histoires de fantômes"

Toby Russell :
Étaient présents dans sa classe Lee Yi Min, Chang Yi, James Tien, Charlie Chin, Chiang Sheng, Angela Mao, Judy Lee, Chin Lung et Pang Gang, pour n’en citer que quelques uns.

Robert Tai :
"L’entraînement était dur – Nous pratiquions acrobaties et autres roulades sur le béton et nous étions sévèrement battus en cas de mauvais travail. Si vous avez vu «Farewell My Concubine», vous pouvez avoir une bonne impression de ce que ça donnait.
Je n’étais pas particulièrement un très bon étudiant mais j’avais une bonne mémoire, spécialement quand on nous demandait de chorégraphier des petites démonstrations acrobatiques que nous présentions lors d’événements spéciaux. Nous avons faits le tour du monde et avons même été invité à la Maison Blanche.
Avec l’âge, les autres garçons et moi-même séchions beaucoup les cours et travaillions sur des films pour gagner un peu d’argent en plus. Nous étions exténués en revenant en cours."

Toby Russell :
Gangly travailla sur des centaines de films pendant sa jeunesse, notamment deux avec Jackie Chan.

Robert Tai :
"Je me souviens quand nous faisions "New Fist of Fury". Jackie adorait travailler avec le tri-bâton. Il semblait perdu dans son monde créant de nouveaux mouvements avec celui-ci – il adorait les armes. De mon côté, à ce stade de ma vie, je dois bien avouer que je n’avais encore aucun désir d’être réalisateur, j’étais dedans uniquement pour l’argent".

Toby Russell :
Ce n’est pas parce que Gangly commença à travailler avec Chang Cheh qu’il commença à focaliser sur la réalisation.

Robert Tai :


Robert Tai et Fu Sheng dans Chinatown Kid (1977)
"Je me rappelle la première fois où j’ai attiré l’attention de Chang Cheh. Nous tournions "Seven Man Army" et il cherchait quelqu’un pour tomber d’un mur vraiment très haut. Personne ne voulait le faire. J’ai dit que je le ferais, sans problème, et je me suis jeté du mur. J’étais vraiment insouciant – J’aurais fait n’importe quoi. Chang Cheh a été très impressionné par ma confiance et il m’a demandé de revenir à Hong Kong avec lui pour faire des films avec la Shaw Brothers.
Tout d’abord, il a ramené environ 30 personnes de Taiwan vers Hong Kong pour le film "Shaolin Temple", mais au final, 10 d’entre nous seulement ont été retenu.
Le premier film qu’il m’a laissé entièrement chorégraphier est "Brave Archer". J’étais assistant chorégraphe sur "Chinatown Kid". J’y ai appris très rapidement comment réaliser une scène de combat en restant au côté du réalisateur chaque jour. Je le regardais placer la caméra et observait comment il séparait les plans."

Toby Russell :
A ce stade, j’aimerais préciser ici que Gangly est probablement le seul homme de la planète qui peut réaliser une scène de combat en l’écrivant entièrement sur papier avant de la filmer, sans l’aide d’aucun dessin ou directions tracées. Le texte est ensuite donné à son équipe et le maestro peut donc faire des choses plus importantes comme pêcher – son passe-temps favori.

Robert Tai :


Sun Chien, Lu Feng et Chiang Sheng dans Invincible Shaolin (1978)
Je suivais aussi attentivement le réalisateur sur le montage et le doublage. Tout le processus me fascinait et j’ai continué ainsi avec les techniciens et les acteurs puisque nous vivions tous sous le même toit à la Shaw. Le tournant décisive pour moi fut "Five Venoms". Nous avions réussi à convaincre Chang Cheh qu’il pouvait faire un film sans grosse star tels que Fu Sheng et Ti Lung. Puisque tout le casting était des amis d’enfance excepté Lo Meng, qui était un ami du chauffeur de Chang Cheh, j’ai été à même de contrôler le look entier de la production. Souvent, Chang Cheh dormait et nous laissait filmer nous-même. Pour lui, l’important était le scénario et le jeu d’acteur.
Le film a été un gros succès et Mona Fong en voulait donc plus dans le même genre. Nous lui avons donc fait "Kid With the Golden Arm", "Crippled Avengers", "Invincible Shaolin", "Shaolin rescuers" et d’autres encore. Nos films s’en sortaient très bien et cela agaçait Liu Chia Liang qui se prenait des vannes de Run Run Shaw et Mona Fong, ils disaient : "Regarde, ce taiwanais nous pond trois bons films pendant que toi un seul". Je me souviens une nuit en revenant au dortoir – Je venais juste de sortir du taxi quand j’ai entendu une voix :
. . 'Hey Shao Tai !' [surnom chinois de Gangly].
ç’était Wilson Tong avec Wong Yue et Liu Chia Liang. Il venait me dire de quitter la ville et ils brandissaient des couteaux. Je leur ai dit qu’ils pouvaient me casser la gueule tant qu’il voulait mais que je ne partirais jamais sous leurs menaces. Nous avons parlé pendant un moment – finalement, rien n’est arrivé ; Je crois qu’ils étaient juste un peu trop bourrés. J’étais "sur le cul" puisque Liu Chia Liang est l’un des meilleurs réalisateurs du genre et je le respectais énormément.

Un autre jour, nous avons eu des problèmes aux studios quand des gangsters sont venus pour trouver Lee Yi Min. Nous tournions "Heaven and Hell", quand quelqu’un est arrivé en courant -- 'Y a un problème, y a un tas de malfrats devant l’entrée principal qui cherchent Lee Yi Min.' Évidemment, si vous connaissez Lee Yi Min, vous savez que ce n’est pas le plus courageux, mais plutôt un playboy, qui aime se faire la femme des autres. Et bien, il s’était fait la femme du boss du gang et ils étaient là pour se venger.

Je lui ai dit que j’allais m’en occuper. J’ai été seul devant la porte principale. Je leur ai dit que j’emmenais Lee Yi Min à Hong Kong et qu’il était sous ma responsabilité, qu’il n’était pas question de le frapper – Je prendrais la punition à sa place. Le boss était en colère mais a respecté mon courage et me pardonna, mais je promis de bien les recevoir lorsqu’ils passeraient à Taiwan, ce que j’ai fait.
J’ai travaillé à la Shaw pendant 2 ans non stop. J’adorais le studio – c’était si facile de filmer là-bas. Tu voulais quelque chose, "boum !", ils te le construisaient gratos pour toi.
Il n’y avait vraiment aucune contrainte budgétaire pour être franc. Les acteurs étaient payés trois fois rien. Lu Feng et Chiang Sheng recevaient £300 chacun pour chaque film qu’il faisait, plus une prime de base. Mon traitement était différent. J’avais signé avec Chang Cheh et mon salaire me venait de lui, ce que Mona Fong a découvert quand je lui ai dit que je retournais à Taiwan. Elle m’a dit que je ne pouvais pas, que j’étais sous contrat. Je lui ai dit que non. Elle n’en revenait pas que je puisse être là depuis deux ans sans être sous contrat. Elle m’a demandé de rester, de même que Chang Cheh, mais M. Lam Tien Hung m’avait proposé beaucoup d’argent pour retourner à Taiwan et tourner "The Incredible Kung Fu Mission".


Robert Tai versus John Liu dans Incredible Kung Fu Mission (1979)
Quand je suis retourné à Taiwan, J’ai réalisé que j’avais beaucoup plus d’expérience que mes concurrents locaux, et je suis devenu très demandé. Lo Wei m’a payé le plus haut prix jamais déboursé à cette époque pour un chorégraphe pour son film "Wily Match".
Etre de retour à Taiwan m’a donné la chance de trouver les bons techniciens et acteurs dont j’avais besoin pour une équipe idéale. Nous avons expérimenté avec l’équipe sur "Devil Killer", qui était un arrangement combiné avec Lam Tien Hung. Il avait un vieux film et il voulait que j’en tourne une nouvelle version. Il m’a donné 10 jours pour sortir une nouvelle version et il a fait beaucoup d’argent avec ce film. Puis, nous avons tourné "Shaolin vs Ninja" pour Lam Tien Hung. Les gens que j’ai rassemblé pour "Shaolin vs Ninja" étaient Alexander Lo, le numéro 18 Lee Hai Shing (meilleur acrobate au monde), Wu Hou (numéro 5) et William Yen à la caméra. Nous avions Tang Yu Tai la "steadycam humaine". Je l’ai utilisé pour presque tous mes films. Et Chin Kwo Hsio en tant que production manager.
"Nous avons fait beaucoup de films ensemble – "Shaolin v Ninja", "Mafia v Ninja", "Shaolin Against Lama". Je n’ai pas réalisé ce dernier mais je l’ai supervisé, "Shaolin Chastity Kung", qui, je dois bien l’avouer est très mauvais – pas d’excuse pour celui-ci – et mon préféré, "Ninja the Final Duel".
"Nous avons tourné 11 heures de pellicule en 9 mois pour $200,000. J’aime la version finale, mais je voulais en filmer toujours plus !"

Toby Russell :
Robert Tai n’a plus rien présenté depuis un long moment. J’ai eu de la chance de le persuader de réaliser "Iron Bodyguards".

Robert Tai :
"Il n’y a vraiment plus rien d’encourageant à filmer un film de kung fu de nos jours. Le marché a été détruit par les blockbusters Hollywoodiens. Ce n’est pas que je n’aime pas les films américains. Je pense que Steven Spielberg est l’un des meilleurs réalisateurs au monde. J’aurais adoré le rencontrer et travailler avec lui sur un projet – Je pense qu’il aimerait mes idées. C’est le plus important pour un réalisateur – une grande imagination et des idées neuves. Je ne répète jamais deux fois mon travail ou ne copie quelqu’un. Les gens disent, "fait un film comme tel ou tel" -- s’ils veulent ça, qu’ils les embauchent. Vous me voulez, alors vous avez ce que je vous donne, si cela ne vous plaît pas, tant pis, c’est à prendre ou à laisser."

Toby Russell :
Gangly passe actuellement son temps entre Taiwan et la Chine où lui et sa femme, Wu Tse Chiao (assistant directeur de son mari et de Lee Tso Nam auparavant), produisent et importent. Il a aussi travaillé pour la télévision Taiwanaise, où il a produit à la chaîne 300 heures par an de séries en costume.

Robert Tai :
La télévision est vraiment un boulot facile – Je passe juste quelques coups de téléphone, je tourne un peu et je ramasse mon argent. Comment pourrais-je en avoir marre de réaliser cette merde."

Toby Russell :
Heureusement Gangly semble être plus mature avec l’âge, et certaines de ses idées toujours remarquablement bonnes nous font espérer qu'un jour, nous le reverrons les mettre en pratique une fois de plus.

 


 

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